Anecdote : La première fois que je suis allée au festival de Bagneux, je savais que Zariel, l'un des illustrateurs de Griffe d'Encre, allait être là. J'ai donc empoché mon Présumé coupable, impatiente à l'idée d'avoir ma dédicace. J'ignorais alors que Nicolas Trève était également présent. Un peu honteuse, je lui ai alors dit que je n'avais pas pensé à prendre mon exemplaire de Proverbes I. Ni une, ni deux, il prend une feuille blanche et me fait une magnifique dédicace tandis que je le regarde avec plein d'admiration dans les yeux.
Titre : Proverbes I.
Anthologistes : Magali Duez & Michaël Fontayne
Auteurs : Isabelle Guso, Frédérique Lorient, Ghislaine Maïmoun, Véronique Pingault, Laurence Rodriguez, Nathalie Salvi.
Éditeur : Griffe d'Encre
Nombre de pages : 104
Prix : 9 €
Illustration : Nicolas Trève
Quatrième de couverture :
Bien avant que l'humanité ne se regroupe virtuellement en grand village planétaire, les petits villages disposaient d'un moyen sûr pour transmettre le savoir et repousser les noirs corbeaux de l'inconnu : le proverbe.
Sibyllin ou sentencieux, réconfortant ou cinglant, il a réponse à tout, même lorsqu'on l'interroge sur lui-même : ainsi, pour les Marocains, "Le proverbe est la lampe des mots" tandis qu'en Chine on affirme que "Lorsqu'on a appris le livre des proverbes, on n'a plus d'efforts à faire pour parler."
Qu'ils les corroborent ou témoignent de leurs limites, six auteurs ont mis en scène six de ces proverbes. Car s'il y a bien manière d'éprouver leur réalité, c'est en les confrontant à la fiction.
Mon avis :
J'ai acheté Proverbes I sans bien connaître les éditions Griffe d'Encre. Je m'attendais à lire des textes amusants ou légers et je suis ressortie de cette lecture un brin déprimée, mais avec un goût agréable en tête. Une bien étrange anthologie.
La nouvelle qui ouvre le recueil, "La Vengeance est un plat qui se mange froid" de Ghislaine Maïmoun, est courte (un peu plus de deux pages) et percutante. Elle part d'une scène commune : un garçon, Thibault, ne veut pas manger ses petits pois. Et la scène continue, se déroule comme se sont déroulées toutes les scènes de ce genre dans la vraie vie : la tension et la voix montent, les regards s'affrontent, les esprits s'échauffent. La nouvelle est assez banale jusqu'à la chute, qui lui donne toute sa force et qui provoque un insidieux frisson au creux du dos.
"Pour vivre heureux, vivons cachés", nouvelle de Frédérique Lorient, m'a semblé un peu désordonnée. Je n'ai pas réussi à rentrer dans cet univers hypersurveillé duquel Victor commence sérieusement à se lasser (jusqu'à commettre des actes que la morale réprouve). L'écriture maîtrisée, mais froide m'a empêché de m'intéresser vraiment aux personnages et à l'intrigue. Victor m'a semblé à la fois trop passif et trop envahissant et ma curiosité n'a pas été assez satisfaite quant aux explications sur l'univers qui est donné à voir.
Avec "Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir", Laurence Rodriguez signe une nouvelle dans un monde onirique qui cache bien des choses. Danse ses rêves, une jeune fille rencontre un garçon duquel elle tombe amoureuse. S'ensuivent plusieurs discussions sur leur monde respectif, jusqu'au moment où ils décident de faire un échange. Le texte est, une fois encore, bien écrit et l'intrigue intéressante, mais j'ai trouvé qu'elle s'essoufflait un peu vers la fin, de ce fait, je n'ai pas été surprise par la chute.
Nathalie Salvi utilise le proverbe "L'habit ne fais pas le moine", pour mettre en scène la vie d'Agathe petite fille modèle (dans les deux sens du terme), coqueluche de Modelissima. Mais, derrière les beaux habits et les sourires angéliques, l'esprit d'Agathe s'endurcit suite aux brimades de ses camarades d'école qui n'aiment pas voir leurs parents s'extasier devant sa perfection. La nouvelle, portée par un personnage très fort, est bien menée du début à la fin. L'ambiance de perfection glacée fait froid dans le dos et la rébellion d'Agathe illustre bien son mal être. Seul petit bémol, j'ai trouvé une certaine distance dans le texte qui m'a empêché d'éprouver des sentiments pour Agathe.
"On n’est jamais si bien servi que par soi-même" est sans doute ma nouvelle préférée de l'anthologie. Elizabeth est une femme qui aime que les choses soient bien faites, à tel point qu'elle préfère effectuer bon nombre de tâches ménagères puisque personne de son entourage ne sait les faire aussi bien qu'elle. Heureusement, la société Ancilla à la solution à ses problèmes. Aussi froide et sans issue que les autres, elle a ce je-ne-sais-quoi de profond qui m'a fait frissonner. L'écriture simple et sans fioritures va droit au but et donne à l'histoire à la fois un côté touchant et terrible. Elizabeth et Jean-Pierre sont des personnages diablement bien écrits et je les ai suivis avec plaisir jusqu'à la fin (savoureuse d'ironie).
J'aime l'écriture d'Isabel Guso depuis son inoubliable Présumé Coupable (toujours chez Griffe d'Encre (décidément, ils publient des trucs très chouettes)) et j'ai été heureuse de la retrouver à la fin de cette anthologie. "Là où frappe le professeur, une rose fleurit" nous parle du rôle de mère à travers la voix de la narratrice et ses problèmes avec sa fille, des problèmes qui grandissent en même temps que l'enfant. Comme dans Présumé Coupable, la thématique est forte, frappe là où ça fait mal (sans jeu de mots) et posent les questions qui fâchent. Je suis ressortie de ma lecture la tête pleine et le regard légèrement différent. Aujourd'hui encore, je ne sais pas trop, de manière concrète, ce que cette nouvelle m'a apporté, mais je sais qu'elle m'a apporté quelque chose.
Le petit plus : De manière générale, la façon dont les auteurs s'approprient les proverbes.
I.
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