Titre : Morts dents lames, hommage à la violence.
Anthologie dirigée par : Pénélope Labruyère-Snozzi
Auteurs : Olivier Caruso, Rébecca Borakovsk, Mathieu Rivero, Christian Janone, Nolween Eawy, Lilian Bezard, Yves-Daniel Crouzet,Clémence Rochat, Siana,Vincent de Roche-Clairmont, Thomas Spok, Gaëlle Etienne, Christelle Lafont, Jeff Balek, Mathieu Fluxe,Guillaume Lemaître, Florence Freguin-Schneider, Christian Perrot, Pénélope Labruyère.
Éditeur : La Madolière
Nombre de pages : 225
Prix : 13 €
Présentation de l'éditeur : Morts Dents Lames est une collection de textes sanglants, dérangeants, morbides et violents. Tout ce que la littérature lissée du moment n'offre plus aux lecteurs en mal de sensations fortes.
Rangez vos couteaux et vos lames de rasoir, les auteurs de cette anthologie ont sorti les leurs pour vous découper des tranches de vies aux petits oignons. De l'inquisiteur pervers &aecute; l'anatomiste fou, du cannibale improbable au légiste pointilleux, de la fille innocente à l'adolescent complexé, la victime se cache parfois là où on ne l'attend pas.
19 nouvelles, 19 expériences de ce que la violence fait de mieux.
Mon avis :
Comme je l'écrivais à l'anthologiste il y a peu, j'ai été très étonnée à la lecture des textes présents. Je m'attendais à lire beaucoup de violence gratuite et de textes qui donnent sang et tripes justes pour les images et, heureusement, l'anthologie m'a détrompée. Cependant, tous les textes ne se valent pas et, plutôt que de faire un billet nouvelle par nouvelle, je traiterai les nouvelles par ensembles.
Seuls deux textes ne m'ont pas convaincue. Le premier, Ils, ne possède aucune réelle intrigue à mes yeux et les tortures subies par la femme m'ont semblé être là plus pour coller au thème que pour apporter quelque chose à l'histoire. La deuxième nouvelle qui ne m'a pas plu s'intitule Le thriller of Mouton Gris. Déjà, avec un titre pareil, ça partait mal pour moi et le côté grotesque de l'intrigue avec ses incohérences ne m'a pas touché. Je suppose que c'est une affaire de goût.
Viennent ensuite les textes dont je reconnais certaines qualités mais qui n'ont pas su me convaincre. Le chef-d'œuvre, part d'une bonne idée : un homme cherche à rassembler, en une musique improbable, les sons des corps torturés mais l'auteur n'exploite pas assez son idée et c'est dommage parce que ça sonne comme une envolée lyrique qui tomberait soudain à plat. C'est le problème que j'ai rencontré aussi dans les nouvelles Biocarburant et Tic-Tac : une idée intéressante mais qui ne possède pas de développement au point que je m'en suis rapidement désintéressée. À l'inverse, j'ai trouvé que L'homme à la pelle se perdait trop souvent dans des détails inutiles qui m'ont fait perdre le fil de la nouvelle au point que j'ai du en relire trois fois la fin pour bien la comprendre. C'est dommage parce que le style de l'auteur était vraiment intéressant et j'aurais aimé lire quelque chose d'un peu moins complexe. J'ai une impression assez étrange vis-à-vis d'Adelphe Ambroisie Je trouve que les scènes de tortures sont vraiment très fortes et que l'ensemble se tient bien, jusqu'à la chute. J'ai trouvé ça un peu trop facile et mon impression première s'est vue modifiée, les scènes qui m'avaient plu n'ayant plus la cohérence première. annA est un texte étrange et lancinant, parfois contemplatif, parfois éclairé de flashs sanglants bien dosés. Cependant, le style beaucoup trop poétique de la nouvelle m'a rebutée. Je suis très sensible à ce genre de chose aussi j'aime qu'un auteur qui utilise la poésie pour les besoins de son texte en connaisse les limites. Ici, il y en a clairement trop et le texte devient lourd.
Le baiser de Simon Soavi et Sous sa peau sont deux nouvelles troubles et sombres, servies par deux styles assez percutants malgré quelques ruptures qui m'ont parfois sortie de ma lecture. Quelques grammes d'humanité est une nouvelle brève, très brève, mais l'intrigue ici est appuyée par l'horreur qui est à peine dévoilée et qui prend donc plus de puissance. Je ne parlerai pas de Poupée Larsen puisque j'ai déjà dit tout le bien que j'en ai pensé dans l'article sur la nouvelle de la semaine. Je passerai donc directement aux nouvelles que j'ai le plus apprécié.
La cité comme les petits crayons rouges sont des nouvelles à la fois percutante et lancinante. Il y a un je ne sais quoi qui plane dans l'air, comme un parfum douceâtre qui donne au texte une ambiance particulière et savoureuse.
Entrez dit-il est, à l'inverse, traversé par un certain humour. Les personnages sont bien campés et j'ai aimé la subtilité de l'auteur dans le traitement du sujet et dans le choix de la chute.
Le sang des cailles mêle mysticisme égyptien et sentiments amoureux dans une nouvelle oppressante. Ici, la naïveté du personnage féminin accentue l'ambiguïté du personnage masculin dans un face-à-face malsain à souhait (et ça fait du bien de lire quelque chose d'insidieusement malsain après avoir lu une multitude de textes remplis de tripes et de sang).
Maintenant, le top 3 :
Au début, je ne pensais pas aimer Les frangins du 77. Je n'ai pas bien compris où l'auteur voulait aller et je trouvais le côté malsain un peu trop injustifié. Mais, petit à petit, cette longue nouvelle gagne en force et en cohérence. Les personnages s'approfondissent, parviennent à devenir à la fois touchants et ignobles et j'ai souri doucement à la fin, attachée malgré moi à ces deux frangins.
Pour moi, Anatomie, une histoire de l'âme, doit être lue à voix haute pour mieux s'imprégner du style de l'auteur, à la fois distant et percutant. J'aime les images qui s'en détachent, les théories, la tournure des phrases. L'histoire peut paraître un peu facile et parfois pas très cohérente mais ces petits défauts sont vite balayés par la manière dont les styles s'imbriquent pour mieux lier l'ensemble.
Si je devais n'avoir qu'un coup de cœur, ce serait Amercian Dream 2010. Ce n'est pas seulement l'intrigue qui est intéressante – histoire de deux hommes, deux amis d'enfance et de la guerre. Il y a ici tous les ingrédients pour faire une grande nouvelle. Des personnages bien campés, à peine esquissés mais cohérents, des dialogues précis, puissants, une intrigue simple mais bien ficelée, une atmosphère à mi-chemin entre celle des villes perdues au fin fond des USA et celle étouffante du campement militaire. Chaque scène est juste, chaque mot sa place, le style est incisif et sans concession. Bref, un vrai coup de cœur.
Le petit plus du livre : la présentation des auteurs. J'ai trouvé ça original et bien pensé.
I.
Merci, merci: j'avoue en toute bonne foi que ma nouvelle "Entrez, dit-il" tire à gros boulets vers le second degré.
RépondreSupprimerJe crois que c'est la première fois qu'on dit tant de bien d'un de mes textes : je suis ému ! Et ravi que tu aies apprécié la petite chute, que j'ai voulu dans la grande tradition du retournement perfide.
J'espère que grâce à tes compliments la féroce éditrice de l'antho ne regrettera pas d'avoir investi dans l'encre et le papier qui supportent ma nouvelle. Avec un peu de chance, je ne tremblerai pas pour ma vie la prochaine fois qu'elle m'offrira le café...
(aux lecteurs de ce commentaire, je plaisante, hein, comme vous vous en doutez)
Oh, je suis émue si vous êtes ému alors. (Et j'espère que l'anthologiste se montrera clémente au prochain café). J'ai le Mots&Légendes de mars 2012 dans ma liseuse, j'ai hâte de pouvoir lire un autre de vos textes.
SupprimerI.
Au sujet de ma nouvelle "Biocarburant" : il faut dire qu'à l'époque de l'appel à textes, j'avais proposé plusieurs de mes écrits à La Madolière, notamment un incroyable récit en franglais, se déroulant dans les années 1900, pastiche rétro revendiqué d'un film de Joan Fontaine "Le crime de Madame Lexton", dont le titre est "A pretty Belle Epoque Lady blonde", qui nous conte les inénarrables aventures de Lady Patience Fonteyn, décidée à épurer la société britannique de ses lords parasites en les empoisonnant. Elle ne réussit qu'à éliminer son propre mari et à supprimer une domestique souillon en tant que témoin fâcheux, souillon qu'elle découpe en morceaux qu'elle jette dans la fosse septique de sa demeure. La police enquête et Lady Fonteyn, enceinte de son amant pionnier de l'aviation (l'action s'achève en 1909), finira engloutie dans la fange et les excréments d'une voiture de vidangeurs qui l'aura renversée alors qu'elle tentait d'échapper aux inspecteurs du Yard. Malheureusement, ce texte, bien supérieur et détonnant que "Biocarburant", n'a pas été retenu ! Sans doute l'a t-on jugé trop long, mais il est disponible chez Edilivre dans le recueil de nouvelles "Le Parnasse de la rétromanie".
RépondreSupprimerLe pitch de votre autre nouvelle me plaît beaucoup (et le titre encore plus je l'avoue), je vais aller fureter du côté d'Edilivre alors, merci pour l'information.
SupprimerI.